Jésus dit une parabole pour certains hommes qui étaient convaincus d’être justes et qui méprisaient tous les autres : « Deux hommes montèrent au Temple pour prier. L’un était pharisien, et l’autre, publicain… (Lc 18,9-14)
Ne tombons pas dans le piège, que cette parabole dénonce, en voulant à tout prix chercher autour de nous qui serait le pharisien ou qui serait le publicain. Ce serait faire acception de personnes. Car l’on veut toujours faire jouer le rôle du ‘méchant’ à ce légaliste pharisien et le rôle du ‘gentil’ à ce pauvre publicain. Une telle dichotomie est paradoxale et délétère : elle nous permet souvent de nous glorifier de notre humilité ou de nos péchés, en les comparant à d’autres ! Car jamais nous ne serons comme ce pharisien ! Est-ce si simple ?
Hélas, nous associons trop immédiatement le terme de ‘pharisien‘ à une personne hypocrite, légaliste… bref, un personnage antipathique, voire même anti-évangélique. Une telle définition est un peu réductrice. Certes, Jésus fustige ces pharisiens (Mt 23,13) … ou plutôt DES pharisiens, c’est-à-dire ceux qui le contestent. Mais les évangiles présentent aussi des pharisiens au rôle plus positif : Nicodème (Jn 3) ou encore ces pharisiens qui l’avertissent du projet d’Hérode de le tuer (Lc 13,31), et plus nombreux ceux dont les paroles et les actes de Jésus interpellent (Mt 12,28; 15,2; Mc 2,18). D’ailleurs à lire les évangiles, on s’aperçoit que Jésus dialogue plus avec les pharisiens qu’avec la foule ou les disciples, et il va même manger chez eux (Lc 7,36; 11,37)…
Bref : le pharisien n’est pas toujours antipathique. D’ailleurs, c’est un homme qui cultive le goût de la Parole de Dieu et de la Loi, essaie de la mettre en pratique et a le souci de son prochain… C’est quelqu’un qui essaie de tout son coeur, de toute son âme et de toute sa force, de plaire à Dieu : peut-on lui reprocher cela ?
A l’inverse qu’y-a-t-il de plus ignoble qu’un collecteur d’impôts, que ces publicains qui se rémunèrent, selon leur bon vouloir, sur les taxes qu’ils prélèvent à leur propre peuple. L’argent du Peuple de l’Alliance, Israël, ils le récoltent pour eux-mêmes et pour l’occupant romain. Ils s’enrichissent en appauvrissant leurs frères. Zachée (Lc 19) en est un bon exemple.
Dans notre parabole, le ‘gentil’ est bien le pharisien et le ‘méchant’ le publicain : n’inversons pas les rôles, s’il vous plait ! La parabole vise justement à briser cette barrière entre l’un et l’autre : les bons, les mauvais. Jésus veut ôter ces étiquettes que nous collons trop facilement sur les autres comme sur nous mêmes et qui enferment chacun dans un espace défini et clos. Le gentil pharisien est ainsi celui qui se sépare, de lui-même, des méchants. Et, le méchant publicain se conforme à cette séparation en se tenant à distance.
Qui est bon et juste ? Celui qui fait bien ou celui qui fait un pas vers Dieu ? Celui qui est juste, est celui qui s’ajuste, se rapproche de Dieu, s’avance. Le pharisien, tout bon qu’il soit, est statique jusque dans sa prière : elle est un état des faits et gestes mais n’espère rien, ni personne. Le publicain, tout mauvais qu’il soit, est dynamique jusque dans la prière : il demande à Dieu de lui faire miséricorde. Il fait un pas vers Dieu. Il vit. Il ne reste pas à sa place et c’est dans ce dynamisme qu’il s’ajuste à Dieu, se convertit.
Avez-vous, d’ailleurs, remarqué la finale de cette parabole ? : Quand ce dernier rentra (litt. descendit) chez lui, c’est lui, je vous le déclare, qui était devenu juste, et non pas l’autre. Ainsi, La véritable foi en Dieu suscite nos déplacements, nos descentes, nos abaissements.